Vincent Munier : l'homme qui redevient proie
- justinepujolle
- 25 déc. 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 déc. 2024
Épisode "Vincent Munier" | Podcast Visages par Thierry Lyonnet (RCF)
Paradoxe. C'est une panthère des neiges, aussi rare que discrète, qui l'a révélé au grand public : Vincent Munier, photographe naturaliste.
Dans les plaines tibétaines, dans le froid et la neige, il observe, il attend, il espère. Être sur le territoire de ce félin insaisissable, c'est déjà ressentir sa présence, c'est déjà partager un instant de vie. Accompagné de l'écrivain Sylvain Tesson, qu'il a invité sur les traces de cet animal sauvage, ils patientent. Longtemps.
“Munier a fait de l'affût, une esthétique en même temps qu'une philosophie.”
— Sylvain Tesson
Et puis, soudain, entre deux rochers sur les sommets, la silhouette d'une queue ondule. Ce n'est pas une vue de l'esprit mais bel et bien la tant attendue panthère des neiges.
Dans un documentaire éponyme, co-réalisé en 2021 avec Marie Amiguet, il compresse l'apprentissage de toute une vie à l'affut du règne animal en une heure trente d'images sublimes concentrées sur ce félin imperceptible.
Et pourtant, au micro de Thierry Lyonnet dans le podcast Visages, il refuse le talent qu'on lui prête, préférant se considérer comme un “simple” interprète de la nature. Cette nature, s'il la traque, s'il la poursuit, s'il la piste, il la respecte en s'éclipsant au profit d'une quête obsessionnelle et passionnelle de la beauté.
“Le talent, c'est apprendre à vivre dehors. À s'effacer.” — Vincent Munier
Partir en expédition est un déracinement synonyme de promesse d'apaisement intérieur explique Vincent Munier. Dans la nature, il y trouve une spiritualité, sa religion.
Souvent solitaire lors de ses excursions aux confins du monde, il n'est pourtant jamais seul. Lorsqu'il disparait, il se remet à niveau. Et, au niveau de la bête, il reçoit ce qu'elle a à offrir, ce qu'elles ont toutes à offrir : panthères, loups, yachs sauvages et autres bœufs musqués…
“On a pris une place qui n'est plus la notre. Il s'agit de revenir à quelque chose de plus horizontal.” — Vincent Munier
Ces rudes conditions de voyages, il les apprivoise depuis l'âge de 12 ans, pouvant alors pleinement jouir de ces “parenthèses enchantées” lorsqu'il quitte la société moderne et le “tout, tout de suite”. Lors de ces grandes aventures, il appartient à ce qu'il le dépasse, “un grand tout, un grand dehors”, qui le fait redevenir poussière.
Face aux loups dans un environnement hostile, il renoue même avec sa vulnérabilité acceptant l'idée de (re)devenir proie pour la beauté de l'instant présent, de la rencontre fortuite.“Tout est décuplé dans ces moments de peur précieux face aux bêtes sauvages”. Désolément, le témoignage de Vincent Munier nous rappelle l'origine de l'homme, la nature, celle que nous avons tendance à agresser, à répudier, à oublier.
“Je suis excédé par l'hégémonie de notre espèce sur toutes les autres .” — Vincent Munier
Dans cet interview, il sensibilise sur le potentiel d'émerveillement dont recèlent la nature et le voyage, et que l'homme laisse dangereusement filer… Par la photographie, lui, a décidé d'encapsuler pour toujours l'émotion des instants vécus lors de ses rencontres avec la beauté animale, végétale et minérale. Sa trace.
Sa trace, autant d'instants éphémères qu'inestimables telle “une note animale dans un désert blanc”…à l'image de cette panthère des neiges observée par plus d'un demi-million de téléspectateurs (soit 4,4% du l'audimat) le dimanche 24 décembre 2023 sur Arte*.
Peut-être, un flocon d'espoir, d'une neige éternelle…
*Source Médiamétrie
Comments